La recherche européenne est en panne de cerveaux

La Commission européenne tente de colmater les brèches dans la recherche européenne. La lutte contre la fuite des cerveaux vers les Etats-Unis s’apparente parfois à un scénario catastrophe.

“J’aurais du mal à caractériser mon départ comme étant une fuite. Pourtant, quand mon épouse – qui est américaine – et moi avons pesé les pour et les contre quant à travailler en Europe ou aux Etats-Unis, la décision a été très facile…” La réponse de Michel est claire : pas question de rentrer en Europe. Après avoir obtenu son MBA à New York, cet ingénieur industriel belge d’une quarantaine d’année est ce que la Commission appelle un “fils perdu de l’Europe”.

La majorité des diplômés européens en Science & technologie qui décident de travailler à l’étranger partent aux Etats-Unis. Comme Michel, environ 75% des titulaires européens de doctorats américains déclarent préférer rester aux Etats-Unis après leur thèse pour y faire carrière.

Cette tendance est considérée par le commissaire Philippe Busquin comme une des plus graves menaces qui pèsent sur la capacité d’innovation et de productivité de l’Europe. Elle laisse craindre, selon lui, un manque de personnel hautement qualifi é dans l’Union pour les dix à quinze prochaines années.

Pour les Etats-Unis, attirer des cerveaux du monde entier est une question de survie. Leur système éducatif – leur talon d’Achille – les oblige à importer en masse de la matière grise chinoise, indienne ou européenne. Mais pourquoi les Etats-Unis réussissent-ils à attirer tant de cerveaux ? D’abord parce qu’ils disposent d’une infrastructure effi cace, parfois héritée de projets militaires. Ils ont créé un marché unique de la recherche et sont parvenu à rationaliser la répartition des budgets de recherche, notamment en spécialisant certains centres de recherche. Ensuite, les investissements américains sont de l’ordre de 2,7% du PIB, soit un montant deux fois plus élevé que sur le vieux continent. Enfi n, l’apport du secteur privé est aussi non négligeable. Il est de 76% aux Etats-Unis contre 56% en Europe.

Blast from the past
This article first appeared in January 2004 issue of leuropeennedebruxelles.com.

Selon une enquête de la Commission, la raison principale qui retient les scientifi ques et les ingénieurs européens à l’étranger est liée à la qualité du travail, l’accès à des possibilités plus larges ou l’accès aux technologies de pointe. Explication de Michel:

“Bien sûr, il y a les salaires beaucoup plus intéressants, malgré l’épée de Damoclès d’être viré à n’importe quel moment”. L’effet “réseau” joue aussi très fort. La proximité des meilleurs chercheurs, la concentration des laboratoires, des investisseurs, des startup et des universités en grappe composent un facteur dynamisant.

Cette dynamique, cette motivation s’exprime, pour Michel, dans le fait que “l’espoir de devenir le prochain Bill Gates est bien plus proche ici qu’en Europe”. Et d’expliquer:

“La petite entreprise aux Etats-Unis est le moteur de l’innovation. Aux Etats-Unis, Il y a ce qu’on appelle un ‘Pull’. N’importe qui peut, avec les capacités et la détermination, comme on dit ici, ‘Hit Big’. L’Européen ne prend pas beaucoup de risques et beaucoup de vacances…”

En Europe, les chercheurs passent beaucoup de temps à courir derrière les subsides. Dès lors, il n’est pas étonnant d’avoir vu, la semaine dernière, 4.200 chercheurs français signer une pétition contre la réduction des budgets. En leur apportant son soutien, Claude Allègre, l’ex-ministre français de l’Education et de la Recherche, a déclaré sur France-Inter : “J’envisage sérieusement de partir travailler en Amérique. Je le ferai au moins six moins par an!” Cette phrase est on ne peut plus la caricature de la situation des chercheurs européens: frustrés, dégoûtés, ils acceptent des propositions alléchantes à l’étranger. Contrairement à celui des Etats-Unis, le système européen reste très fragmenté. Chaque Etat possède son propre centre de recherche, raison pour laquelle la Commission plaide pour la création d’un marché unique de la recherche. Certes, il existe déjà des collaborations bilatérales ou multilatérales, mais la Commission veut aller plus loin. En 2000, le commissaire Busquin a lancé l’initiative des “réseaux d’excellence”. Le but est de sélectionner les centres les plus performants dans leur domaine afi n de les regrouper en réseaux. Pour tenter de réduire la fuite des cerveaux, il existe, en outre, un projet de Directive concernant la création d’un “visa scientifi que
européen” pour séduire les cer-veaux du monde entier. Stopper la fuite des cerveaux et en attirer d’autres semblent donc être, désormais, des priorités de l’Union. La survie de sa recherche et de ses chercheurs est à ce prix.

Lionel Lecocq


The author: Clémentine FORISSIER

Clémentine Forissier, a youthful journalist hailing from Brussels, has been making waves in the field of media. Despite her relatively young age, she has quickly risen to prominence as a prominent voice in Belgian journalism. Known for her fresh perspective and dynamic reporting, Clémentine has become a recognized figure in the Brussels media scene, offering insightful coverage of various topics.

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